UPSIDE DOWN

DOC!, Paris
Du 5 au 14 février 2021

Avec Hugo Déverchère, Katya Ev, Lyse Fournier, Julia Gault, Alice Guittard, Gwendoline Perrigueux, Baptiste Rabichon, Thomas Van Reghem.

Commissariat d’exposition
Lena Peyrard

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Frêle embarcation vacillant dans les eaux troubles du temps, le monde vogue à toute vitesse, pensant échapper aux menaces qui le guettent. Miroir de cette agitation, chacun d’entre nous ressent en lui ce vertige qui s’imprègne jusque dans notre chair. Nous autres, les éternels équilibristes, qui du haut du fil suspendu contemplent le chaos. C'est de cette noirceur que naît pourtant une force créatrice, celle de vouloir résister et inventer de nouveaux récits pour continuer à habiter poétiquement le monde. Imaginée durant l'année 2020, l'exposition Upside Down résonne comme une invitation à faire arme de nos imaginaires et pénétrer au cœur d'un paysage sens dessus dessous où le réel bascule dans la fiction. À l'abri du monde extérieur, sans haut ni bas, sans passé ni futur, sans vrai ni faux, l'espace-temps de l'exposition est une nébuleuse propice à troubler les frontières entre fantasme et perception, entre savoir et mythe. Tels des cartographes du doute, les huit artistes présentés dans Upside Down s'entendent à déconstruire le connu pour laisser place à des récits intimes qui explorent l'incertain. En ouvrant ainsi le champ des possibles, ils attestent que le mystère subsiste, qu’il est palpable. Ils l’approchent sans pour autant le déchiffrer, laissant en cela le soin au visiteur de choisir ses propres chemins de traverse.

Faisant vaciller les structures du pouvoir, Katya Ev s’attaque au réel dans des dispositifs qui laissent une grande place au doute et au hasard. Ainsi l'exposition débute par sa performance et installation intitulée Last dans laquelle un gyrophare devenu fardeau symbolise l'urgence de nos réalités. La sourde menace se prolonge chez Julia Gault qui questionne notre désir d’élévation au travers de constructions vulnérables prêtes à s'effondrer. Une fragilité que l'on retrouve aussi dans les installations de Thomas Van Reghem et Alice Guittard où les récits du réel se décomposent afin de repenser nos histoires collectives et personnelles. Chez l'un, un voyage immobile dans les entrailles de la Terre à la poursuite d'un canari fantomatique, chez l'autre le reflet kaléidoscopique du monde dans le miroir d'un amant superstitieux. Plus loin, les paysages célestes de Lyse Fournier et urbains de Baptiste Rabichon invitent le spectateur à questionner son propre regard, là où le réel s'efface. Leurs œuvres sont empreintes d'étrangeté, d'artifices, de fictions intérieures et font écho à Cosmorama d'Hugo Deverchère, une vidéo dans laquelle l'artiste nous transporte sur l'île de Tenerife dans les strates profondes de l’invisible et donne à voir le monde tel qu’il n’apparaît pas. Enfin, l'exposition se conclut par l'installation suspendue de Gwendoline Perrigueux composée de sculptures aux formes et aux couleurs sensuelles, aux définitions mouvantes, et devenues le support des fantasmes d'un monde nouveau, décomplexé et rocambolesque.

Dessinant une constellation hétéroclite, les artistes portent un regard pluriel sur un monde imparfait et instable. En sondant l’incertain, en embrassant le vertige, l’exposition Upside Down interroge les images, les objets, les discours et devient un espace d’émancipation ponctuel, primitif, poétique, répondant au contexte d’urgence dans lequel nous errons. Vidéos, sculptures, installations et photographies s’éclairent alors mutuellement et nous transportent dans des zones hors du monde à la croisée du connu et de l’invisible.


Lena Peyrard
Crédits photos : © Studio Shapiro