CHEMINS DE TRAVERSE

Espace Voltaire, Paris
Du 22 au 29 avril 2021

Avec Sirine Ammar, Io Burgard, Héloïse Delègue, Eléonore Geissler, Ellande Jaureguiberry, Camille Juthier, Léticia Martínez Pérez, Mathieu Merlet Briand. 

Commissariat d’exposition
Lena Peyrard

︎︎︎ Podcast (par FOMO-VOX)



Bien avant l’apparition de l’écriture, le conte reste aujourd’hui encore considéré comme un des motifs narratifs les plus anciens, au même titre que les mythologies antiques. Sous catégorie du genre, le conte merveilleux naît de la rencontre entre le monde des Hommes, avec son environnement animal, végétal et minéral, et l’Autre monde, celui de l’invraisemblance, du surnaturel et du féerique.

L’exposition Chemins de Traverse est une invitation faite aux artistes présentés à explorer la thématique du conte et ses différentes évocations. Dessins, sculptures, vidéos, photographies et installations participent ici à créer un panorama chimérique qui se déploie comme un conte moderne où le récit se vit, se parcourt. Au creux du silence des œuvres s’élève alors le murmure des fictions intimes qui s’y trament. Un murmure qui rappelle l’origine du conte, transmis de bouche à oreille, jusqu’à transformer le récit lui-même au fil des époques et des contrées. De cette tradition orale, Chemins de Traverse conserve une narration mouvante et démultipliée à l’instar des huit univers mis en lumière par les artistes. Au détour d’une fleur kaléidoscopique ou d’un insecte luminescent, le visiteur est invité à explorer des paysages fantasques et mystérieux évoquant la métamorphose. Autant de paysages que de fictions donc, dans lesquels la progression se fait à pas feutrés, portée par notre imaginaire.

Participant à ce panorama placé sous le signe du merveilleux, un ensemble de personnages mystérieux accompagnent la déambulation. Personnages mi-humains mi-animaux, des personnages venus d’un ailleurs lointain, des faux-amis, certains dissimulés comme effrayés de notre présence malvenue, d’autres prêts à bondir hors du mur. Ici, l’image sort de son immobilisme et de sa platitude. Elle devient trompe-l’oeil, elle devient volume. L’image vit et s’anime. Plus loin, des objets de curiosité, des objets de poésie, des objets à rêver et interroger. Faune et flore, motifs et ornements, présences mystiques, voire mythologiques, participent à une histoire qui reste à écrire.

Chemins de Traverse dessine donc les contours d’un récit coloré et joyeux, peuplé d’images, de figures et d’objets comme autant de fantômes venant habiter l’espace de l’exposition. Néanmoins il est essentiel de ne pas s’y méprendre. Le conte divertit, il réenchante là où les nuances se fanent. Mais le conte est également un instrument manifeste pour édifier son lecteur ou auditeur et l’inviter à porter un regard singulier sur les conditions de son existence. Le paysage de l’exposition évoque lui aussi cette ambiguïté au travers d’œuvres où plusieurs voix se croisent : celle de la sorcière comme figure contemporaine et magnifiée, celle d’une nature rêvée, mais artificielle ou encore celle de créatures à la fois tendres et inquiétantes hurlant des plaintes silencieuses.

Dès lors, Chemins de Traverse se devine comme une structure de la pensée, une architecture mentale propice à questionner le monde qui nous entoure. L’exposition apparaît comme un voyage, une immersion à différents niveaux de lecture qui se télescopent afin de réenchanter notre rapport au monde.


Lena Peyrard