LA NUIT FINIRA PAR TOMBER DERRIÈRE L’IRIS JAUNE
Encooore, Biarritz

Du 15 février au 9 mars 2025 

Avec Elsa Brès, Tatiana Defraine, Louise Vendel, Chloé Saksik

Commissariat d’exposition, Margaux Henry Thieullent et Lena Peyrard



Cette exposition collective réunit des artistes dont les pratiques artistiques interrogent, à travers des médiums variés — dessin, peinture, installation et vidéo —, les représentations des animaux non-humains et leur place dans nos imaginaires. Elle esquisse un bestiaire où l’animal fait figure de sujet à la fois ontologique, symbolique mais aussi politique.

Inspirée par la littérature et la poésie écoféministes, notamment les œuvres de Marlen Haushofer et Wendy Delorme, ainsi que par les concepts d’animisme et de totémisme théorisés par Philippe Descola, l’exposition explore la relation complexe entre l’humain·e, l’animal et l’ensemble du vivant. Elle interroge les frontières floues entre sauvagerie et domestication, entre survie et retour à une « nature » souvent fantasmée.

Les artistes invitées empruntent à la mythologie, au symbolisme, et au surréalisme. Elles construisent un patchwork riche et multiforme qui donne à voir l’animal comme un passeur, ouvrant la voie à de nouveaux récits, où le dialogue inter-espèces se fait écho d’une possibilité de cohabitation, de soin mutuel et d’écoute.  En replaçant l’animal au cœur de leurs pratiques, ces artistes invitent à une réflexion sur la porosité des frontières entre espèces et les dynamiques sociales, politiques et écologiques qui régissent notre monde commun.

Lena Peyrard



« Dehors, debout, prêts à s’élancer dans l’ombre, les corps devenus nuages s’agitaient, invoquaient le Soleil : « Le feu est en nous ! Crachez votre peine ! La lumière circule sous la chair et les veines ! ». Le crépuscule s’avançait, le temps semblait s’ennuyer du vent heureux (…)

La nuit est tombée sur la Terre. Sans prévenir, depuis ma fenêtre, je la vis chuter brutalement. L’escargot de toute sa grandeur s’était maintenant endormi sur mon épaule, je suivais de mes doigts ses traces-armure. Tout était prêt. Les chiens s’amusaient à la lisière des grands bois, et j’allais les rejoindre lorsque j’entendis un grand bruit sourd près du grillage derrière la maison.

Elle s’était couchée dans la boue, son iris brillante indiquait sa bonne santé, sous ses lèvres scintillaient des canines toutes neuves prêtes à déchirer le bleu sombre du ciel, je voulais la prendre contre mon cœur mais il en était hors de question. L’air, espiègle, s’insinuait entre ses poils, son ventre s’offrait à l’obscurité. Je me contentais de lui apporter un peu de lait tiède qu’elle lapait à grosses gorgées. J’avais si peur qu’elle ait mal, mais il n’en était rien. Quelques minutes plus tard, elle réussit à s’extraire du jus vaseux. Nous nous fixâmes un moment, sans trembler, sa poitrine se soulevait à chacune de ses respirations, elle était puissamment vivante. Le temps de sécher mes larmes, je la vis disparaître dans la forêt dont les longs doigts noirs s’étaient refermés sur elle.

Elle reviendrait sans doute demain et je serais là. (…)
»

Margaux Henry-Thieullent