














DO NOT ENTER
Galerie Bertrand Grimont, Paris
Du 16 avril au 9 mai 2025
Exposition personnelle d’Amélie Bernard
Commissariat d’exposition, Lena Peyrard
La porte de la chambre est à présent fermée. Un morceau de papier griffonné d’un DO NOT ENTER, y est punaisé, comme un ultime rempart. L’espace au-delà est interdit, sanctuarisé. Un territoire clos saturé de reliques entassées, de désirs inavoués et de pensées en friche. A l’intérieur, tout est en gestation. Et pourtant c'est dans cette chambre qu'hier encore, on se couchait gamin·e, créature candide aux contours flous, abritée sous la chaleur du foyer. Aujourd’hui, au réveil, la chair est autre, étrangère, le corps se tend, l’esprit se cabre. Quelque chose s’est déplacé. L’adolescence s’est insinuée amorçant sa lente et irrévocable mue. C’est l’âge de la mutation, du grotesque et du sublime mêlés, où chaque battement de cœur semble redessiner le monde et redéfinir l’être.
C’est cette tension entre surexposition et retrait, entre affirmation et doute, que l’exposition DO NOT ENTER met en scène. L’exposition se déploie comme un puzzle de sensations et de souvenirs où chaque élément se fait fragment d’une adolescence en perpétuel chantier. La chambre devient ici un laboratoire où Amélie Bernard interroge ce qui persiste et ce qui s’efface.
Son univers visuel convoque les réminiscences d’une adolescence bercée par une esthétique oscillant entre romantisme noir et pop culture des années 90-2000. Entre posters de stars et reliques d’un monde analogique, l'artiste capte une époque partagée, à la fois intime et collective, où la construction de soi passait par des références communes et des mythologies personnelles. Les œuvres, développées depuis plus d'un an en vue de cette exposition, rejouent les éléments emblématiques de la chambre : le miroir, le lit, le journal intime, les icônes figées dans le culte de l’admiration. Amélie Bernard utilise des matériaux comme le métal froid et tranchant, la cire charnelle et malléable, la céramique rigide et figée ou le kombucha en mue pour symboliser la dualité de l’identité en mutation : la vulnérabilité, la recherche de stabilité, la tension et la violence du changement. Certaines formes rappellent des membranes, du cartilage, des cocons – autant d’éléments renvoyant à la métamorphose biologique. Car la chambre n’est plus seulement un espace physique. Elle devient ici une peau, un organisme vivant. Le psychanalyste Pierre Benghozi comparait l'adolescent à une chrysalide : « il n’est pas encore, il a été et il sera. Mais au temps présent, il peut être tant de choses. »1. Espace de refuge et de mutation, la chrysalide est une enveloppe protectrice où l’être en devenir se confronte à lui-même. Ses parois, comme les murs de la chambre, y absorbent les doutes et les élans, résonnant d’une mélancolie diffuse entre nostalgie du passé et projection d’un avenir à la fois rêvé et redouté.
L’exposition DO NOT ENTER se déploie en plusieurs chapitres et guide les visiteur·ices à travers un voyage introspectif, du monde extérieur vers un univers clos où se déroulent les métamorphoses intérieures. Cette déambulation crée un espace de transformation où chaque salle devient un passage, un seuil. L’exposition débute avec La Cabane, une œuvre introductive qui renvoie à un refuge primitif et universel. Cette installation établit un lien avec les recherches antérieures d'Amélie Bernard, posant la première pierre de sa réflexion sur les enveloppes en mutation. Plus loin, c'est une porte symbolique marquant l’entrée dans la chambre que l'artiste nous invite à franchir. Le parcours se développe ensuite en explorant successivement les transformations physiques et psychiques de l’adolescence, où les tensions et les contradictions inhérentes à cette période de la vie sont mises en lumière.
Avec DO NOT ENTER, Amélie Bernard nous plonge ainsi dans un espace-temps suspendu, celui de l’adolescence comme moment de bascule et de trouble. La chambre devient un laboratoire à la fois réel et mental, un lieu où l’identité se cherche et se transforme, dans un équilibre précaire entre mémoire et devenir. Ici chaque œuvre agit comme un fragment d’un récit en construction, et dessine une réflexion plus large sur la tension entre l’intime et le social, entre le contrôle et le chaos. En traversant ces espaces de métamorphoses, chacun·e est convié·e à revivre cette phase liminale où tout est encore possible – où, comme l’adolescent dans sa chrysalide, nous contenons toutes les conditions de notre propre devenir.
* Benghozi, P. 1999. L’Adolescence. Identité Chrysalide, Paris, L’Harmattan.
Galerie Bertrand Grimont, Paris
Du 16 avril au 9 mai 2025
Exposition personnelle d’Amélie Bernard
Commissariat d’exposition, Lena Peyrard
La porte de la chambre est à présent fermée. Un morceau de papier griffonné d’un DO NOT ENTER, y est punaisé, comme un ultime rempart. L’espace au-delà est interdit, sanctuarisé. Un territoire clos saturé de reliques entassées, de désirs inavoués et de pensées en friche. A l’intérieur, tout est en gestation. Et pourtant c'est dans cette chambre qu'hier encore, on se couchait gamin·e, créature candide aux contours flous, abritée sous la chaleur du foyer. Aujourd’hui, au réveil, la chair est autre, étrangère, le corps se tend, l’esprit se cabre. Quelque chose s’est déplacé. L’adolescence s’est insinuée amorçant sa lente et irrévocable mue. C’est l’âge de la mutation, du grotesque et du sublime mêlés, où chaque battement de cœur semble redessiner le monde et redéfinir l’être.
C’est cette tension entre surexposition et retrait, entre affirmation et doute, que l’exposition DO NOT ENTER met en scène. L’exposition se déploie comme un puzzle de sensations et de souvenirs où chaque élément se fait fragment d’une adolescence en perpétuel chantier. La chambre devient ici un laboratoire où Amélie Bernard interroge ce qui persiste et ce qui s’efface.
Son univers visuel convoque les réminiscences d’une adolescence bercée par une esthétique oscillant entre romantisme noir et pop culture des années 90-2000. Entre posters de stars et reliques d’un monde analogique, l'artiste capte une époque partagée, à la fois intime et collective, où la construction de soi passait par des références communes et des mythologies personnelles. Les œuvres, développées depuis plus d'un an en vue de cette exposition, rejouent les éléments emblématiques de la chambre : le miroir, le lit, le journal intime, les icônes figées dans le culte de l’admiration. Amélie Bernard utilise des matériaux comme le métal froid et tranchant, la cire charnelle et malléable, la céramique rigide et figée ou le kombucha en mue pour symboliser la dualité de l’identité en mutation : la vulnérabilité, la recherche de stabilité, la tension et la violence du changement. Certaines formes rappellent des membranes, du cartilage, des cocons – autant d’éléments renvoyant à la métamorphose biologique. Car la chambre n’est plus seulement un espace physique. Elle devient ici une peau, un organisme vivant. Le psychanalyste Pierre Benghozi comparait l'adolescent à une chrysalide : « il n’est pas encore, il a été et il sera. Mais au temps présent, il peut être tant de choses. »1. Espace de refuge et de mutation, la chrysalide est une enveloppe protectrice où l’être en devenir se confronte à lui-même. Ses parois, comme les murs de la chambre, y absorbent les doutes et les élans, résonnant d’une mélancolie diffuse entre nostalgie du passé et projection d’un avenir à la fois rêvé et redouté.
L’exposition DO NOT ENTER se déploie en plusieurs chapitres et guide les visiteur·ices à travers un voyage introspectif, du monde extérieur vers un univers clos où se déroulent les métamorphoses intérieures. Cette déambulation crée un espace de transformation où chaque salle devient un passage, un seuil. L’exposition débute avec La Cabane, une œuvre introductive qui renvoie à un refuge primitif et universel. Cette installation établit un lien avec les recherches antérieures d'Amélie Bernard, posant la première pierre de sa réflexion sur les enveloppes en mutation. Plus loin, c'est une porte symbolique marquant l’entrée dans la chambre que l'artiste nous invite à franchir. Le parcours se développe ensuite en explorant successivement les transformations physiques et psychiques de l’adolescence, où les tensions et les contradictions inhérentes à cette période de la vie sont mises en lumière.
Avec DO NOT ENTER, Amélie Bernard nous plonge ainsi dans un espace-temps suspendu, celui de l’adolescence comme moment de bascule et de trouble. La chambre devient un laboratoire à la fois réel et mental, un lieu où l’identité se cherche et se transforme, dans un équilibre précaire entre mémoire et devenir. Ici chaque œuvre agit comme un fragment d’un récit en construction, et dessine une réflexion plus large sur la tension entre l’intime et le social, entre le contrôle et le chaos. En traversant ces espaces de métamorphoses, chacun·e est convié·e à revivre cette phase liminale où tout est encore possible – où, comme l’adolescent dans sa chrysalide, nous contenons toutes les conditions de notre propre devenir.
* Benghozi, P. 1999. L’Adolescence. Identité Chrysalide, Paris, L’Harmattan.
Lena Peyrard