© Renske Linders
Le Corps de l’eau,
Renske Linders
2023
︎︎︎ Renske Linders
Renske Linders est de ces personnes dont la manière d'être au monde semble liquide. Née en 1995, l'artiste grandit à La Haye, aux Pays-Bas et retient de son enfance au bord de la mer un attachement au milieu aquatique dans lequel elle se représente, nageuse parmi d'autres, dans ses peintures. Celles-ci dévoilent des moments de vie, où l'intime se lit comme une histoire partagée d'amour, de quêtes, de renouveau et où la figure féminine occupe une place centrale. Renske se nourrit en effet de son expérience en tant que mannequin professionnel et n'a de cesse d’interroger l’idéalisation des corps inhérente à l'industrie de la mode, conduisant à une distorsion de la réalité. Elle trouve dans l'art et la peinture une échappatoire lui permettant de s'émanciper de ces dictats et se réapproprier le corps féminin, son corps à elle, leur corps à toutes.
Dans Drie gemoedstoestanden (2021) - à comprendre « Les trois états d'âmes »-, l'artiste revisite le sujet mythologique des Trois Grâces, déesses du charme, de la beauté et de la fécondité. Détachées de toute forme de glorification du corps, ces déesses contemporaines aux silhouettes voluptueuses tournent vers le curieux, leurs regards apaisés, quoique défiants. De charmeuse, la Grâce est devenue cette amazone aux bras étirés à l'exagération, prête à s'évader du tableau et refusant de se soumettre.
Ces échappées hors du cadre sont au cœur de son polyptyque intitulé Les Nageurs (2022 - 2023). Telle une frise anachronique, sans début ni fin, sans haut ni bas, la série fait référence à différents épisodes de la vie d'un individu pris dans un mouvement infini. Ici encore, il s'agit d'une ode à la vie, à la joie, à l'abandon. L'oeuvre se compose de six peintures grand format dans lesquelles des êtres évanescents se télescopent, s'enlacent et s'arrachent dans les profondeurs aquatiques. Les figures fantasmagoriques évoluent dans un jeu d'ombres et de lumière aux nuances de bleu que Miró appelait « la couleur de mes rêves ».
Claire et purificatrice, cette eau qui engloutit les corps sans visage n'en est pas moins équivoque. Gaston Bachelard a bien montré dans un célèbre essai L'Eau et les rêves combien l'eau revêt des symboliques contradictoires et polymorphes, étant à la fois source de vie et régénératrice, qu'obscurité et engloutissement. Au-delà de ses divergences, l'eau renvoie finalement aux mêmes images : la femme (la fécondité), la vie et la mort. Trahie et inconsolable, l'Ophélie de Shakespeare s'enfonce dans les profondeurs de la rivière et se noie. L'artiste nous montre quant à elle que l'eau est cyclique et qu'il s'agit, à l'image de la vie, d'accepter la succession des rythmes et la combinaison des contraires. À la fois bercé.es et chahuté.es, ses nageur.ses défient l’élément par l’acte même de la nage et entretiennent le mouvement vital. Dans ses tableaux où la figure féminine domine, Ophélie survit et se transforme en néréide, ces nymphes marines envoûtantes et victorieuses embrassant toutes entières leur pouvoir féminin. Tout comme l'eau, le travail de Renske Linders fait l'objet d'interprétations plurielles. Douces et poétiques, ses peintures n'en sont pas moins ambiguës, mystérieuses et portent un message d'espoir et d'émancipation.
Renske Linders
2023
︎︎︎ Renske Linders
Renske Linders est de ces personnes dont la manière d'être au monde semble liquide. Née en 1995, l'artiste grandit à La Haye, aux Pays-Bas et retient de son enfance au bord de la mer un attachement au milieu aquatique dans lequel elle se représente, nageuse parmi d'autres, dans ses peintures. Celles-ci dévoilent des moments de vie, où l'intime se lit comme une histoire partagée d'amour, de quêtes, de renouveau et où la figure féminine occupe une place centrale. Renske se nourrit en effet de son expérience en tant que mannequin professionnel et n'a de cesse d’interroger l’idéalisation des corps inhérente à l'industrie de la mode, conduisant à une distorsion de la réalité. Elle trouve dans l'art et la peinture une échappatoire lui permettant de s'émanciper de ces dictats et se réapproprier le corps féminin, son corps à elle, leur corps à toutes.
Dans Drie gemoedstoestanden (2021) - à comprendre « Les trois états d'âmes »-, l'artiste revisite le sujet mythologique des Trois Grâces, déesses du charme, de la beauté et de la fécondité. Détachées de toute forme de glorification du corps, ces déesses contemporaines aux silhouettes voluptueuses tournent vers le curieux, leurs regards apaisés, quoique défiants. De charmeuse, la Grâce est devenue cette amazone aux bras étirés à l'exagération, prête à s'évader du tableau et refusant de se soumettre.
Ces échappées hors du cadre sont au cœur de son polyptyque intitulé Les Nageurs (2022 - 2023). Telle une frise anachronique, sans début ni fin, sans haut ni bas, la série fait référence à différents épisodes de la vie d'un individu pris dans un mouvement infini. Ici encore, il s'agit d'une ode à la vie, à la joie, à l'abandon. L'oeuvre se compose de six peintures grand format dans lesquelles des êtres évanescents se télescopent, s'enlacent et s'arrachent dans les profondeurs aquatiques. Les figures fantasmagoriques évoluent dans un jeu d'ombres et de lumière aux nuances de bleu que Miró appelait « la couleur de mes rêves ».
Claire et purificatrice, cette eau qui engloutit les corps sans visage n'en est pas moins équivoque. Gaston Bachelard a bien montré dans un célèbre essai L'Eau et les rêves combien l'eau revêt des symboliques contradictoires et polymorphes, étant à la fois source de vie et régénératrice, qu'obscurité et engloutissement. Au-delà de ses divergences, l'eau renvoie finalement aux mêmes images : la femme (la fécondité), la vie et la mort. Trahie et inconsolable, l'Ophélie de Shakespeare s'enfonce dans les profondeurs de la rivière et se noie. L'artiste nous montre quant à elle que l'eau est cyclique et qu'il s'agit, à l'image de la vie, d'accepter la succession des rythmes et la combinaison des contraires. À la fois bercé.es et chahuté.es, ses nageur.ses défient l’élément par l’acte même de la nage et entretiennent le mouvement vital. Dans ses tableaux où la figure féminine domine, Ophélie survit et se transforme en néréide, ces nymphes marines envoûtantes et victorieuses embrassant toutes entières leur pouvoir féminin. Tout comme l'eau, le travail de Renske Linders fait l'objet d'interprétations plurielles. Douces et poétiques, ses peintures n'en sont pas moins ambiguës, mystérieuses et portent un message d'espoir et d'émancipation.
Lena Peyrard